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Editorial



29/05/09
Jean-François Meunier
«Et si on parlait de la réforme de la justice des mineurs ?»

Dans notre société il en est de la médiatisation des sujets de société comme du traitement des faits divers : dès que le sensationnel n’attire plus le chaland, on passe à autre chose et le sujet qui a fait la une pendant quelques semaines (au mieux !) est aussi vite oublié. On peut constater que ce travers vaut également semble-t-il pour la chose publique, que ce soit au niveau de l’avancement des dossiers que de la médiatisation qui en est faite.
Un dossier qui nous préoccupe au sein de notre association est celui de la justice des mineurs et du projet de code pénal des mineurs. Il peut servir d’exemple à mon propos liminaire.

Doit-on se refaire le film des mois passés ? Peut-être pour tenter de percevoir ce qu’il va advenir de ce dossier. D’abord se rappeler que la délinquance des mineurs est la tarte à la crème servie régulièrement à nos concitoyens, nappée du coulis traditionnel sur le mode de « ah les jeunes d’aujourd’hui…bal… bla… bla …il faut renforcer les sanctions ». Or les études les plus sérieuses menées par des sociologues réputés pour leur compétence dans ce domaine (voir les travaux de Laurent MUCCIELLI) démontrent que la délinquance des jeunes n’augmente pas. Mais là encore la médiatisation forcenée de quelques situations paroxystiques sert à certains d’analyse de la situation.

Ce fut donc un des thèmes de la dernière campagne présidentielle et feuille de route a été donnée au Garde des Sceaux de traiter ce dossier avec efficacité et diligence. Réformer la justice des mineurs ne souffre pas de contestation pour l’ensemble des professionnels concernés qui estiment qu’une réforme de l’ordonnance de 45, notamment en rapprochant la sanction du délit, doit être opérée sans toucher au principe qui a présidé à sa rédaction, à savoir la primauté de l’éducatif sur la sanction. On installe donc à grand bruit une Commission, présidée par M. VARINARD. Au fil de ses travaux sont distillés dans les médias des informations sur ses préconisations. Certaines ne supportent guère de contestation : elles ne sont guère reprises que dans les publications spécialisées. A l’inverse d’autres propositions font l’objet d’une large médiatisation et le débat se focalise pour l’essentiel sur l’âge d’incarcération des mineurs (en confondant et ce en soi c’est confondant de la part des journalistes - si vous excusez ce mauvais jeu de mots- âge d’incarcération et âge de responsabilité pénale).
On voit alors enfler un débat médiatique et se cliver deux catégories bien convenues : les pères fouettards et les permissifs, classés ainsi probablement pour la commodité journalistique et l’on doit alors chercher avec une loupe à grossissement extrême les lieux où ces questions sont débattues sur le sens et non pas uniquement sur la symbolique et l’idéologie. La Commission Varinard rend sa copie en 70 propositions en décembre dernier, ce qui permet de constater qu’en plus des préconisations les plus emblématiques d’autres moins connues portent en elles des germes inquiétants sur la future justice des mineurs (citons le tribunal correctionnel pour mineurs, les peines planchers). La levée de bouclier de la part des spécialistes et professionnels est à ce moment là massive et quasi unanime (et notre Association y a participé via notre Président).
Passée cette période d’annonces et de protestations, Mme DATI présente le 16 mars son projet de code pénal des mineurs écartant les mesures les plus contestées sur l’abaissement de l’âge de la responsabilité pénale et le principe de la correctionnalisation de certains délits. Elle assortit ses propos d’une déclaration de principe sur la primauté de l’éducatif. Mais d’autres mesures subsistent telles les fameuses peines planchers.

Alors, aujourd’hui ? On ne peut plus dérouler notre film puisque que la projection de celui-ci s’est interrompue. Ce sujet n’a plus été médiatisé par le Ministère de la Justice depuis le 16 mars si ce n’est en diffusant le projet de ce fameux nouveau Code. Ce silence est-il dû à la mise en route place Vendôme d’une chronique d’un départ annoncé ? Sont-ce les prémisses d’un enterrement de ce dossier ? Ou au contraire celles de sa mise sur rail administrative et doit-on s’attendre de le voir ressurgir à l’automne dans l’ordre du jour du Parlement ? Nous verrons bien. Mais nous serons vigilants et continuerons de tenter de peser, notamment au travers de nos instances nationales, sur ce texte qui ne peut recevoir l’aval, en l’état, d’une association qui a construit son histoire sur l’accompagnement éducatif de ces jeunes.

Une dernière remarque en forme de conclusion de ce billet : ce sujet concerne une partie de notre jeunesse. Et ce n’est pas très rassurant de voir la manière dont il a été débattu ces derniers mois. Nous, citoyens, espérerions voir nos élites traiter avec un peu plus de sérieux ce type de sujet et aimerions pouvoir dire avec Hannah Arendt (philosophe 1906-1975): « l’éducation est le point où se décide … si nous aimons assez nos enfants pour ne pas les rejeter de notre monde, ni les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever une chance d’entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n’avions pas prévu, mais les préparer d’avance à la tâche de renouveler un monde commun ».